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Camille : la coordination culturelle en milieu carcéral, une vocation !

Camille est coordinatrice culturelle au centre pénitentiaire Paris-La Santé depuis 2022. Issue du milieu de l’art, elle a découvert l’environnement carcéral grâce à la création radio et sonore. A bientôt 40 ans, La professionnelle est passionnée par son nouveau métier qu’elle présente comme une vocation. Le relationnel avec toutes les parties prenantes du milieu carcéral, l’organisation d’activités sous contrainte, la veille artistique et culturelle : tout lui plaît !

Les trajectoires personnelles et professionnelles ne sont pas toujours linéaires et les rencontres ouvrent parfois de nouvelles perspectives et opportunités, c’est ce qu’a vécu Camille. Elle a travaillé pendant des années dans le milieu des galeries d’art en tant que chargée de communication et des relations presse : « progressivement, je me suis sentie à l’étroit, j’aspirais à autre chose. J’ai commencé en parallèle de mon emploi à faire de la radio dans une structure associative. J’ai adoré ! »

Après les galeries d’art, l’univers de la radio

Première bifurcation ! « Je me suis formée au son, j’ai commencé à animer des ateliers de création sonore et radio et j’ai été embauchée par une radio associative de l’institut des hautes études sur la justice. » Camille réalise des sujets de reportage radio et anime également des ateliers radio dans les collèges. Puis, arrive la première rencontre avec le milieu carcéral : « j’ai conçu un sujet de reportage intitulé « une journée avec un directeur de prison », à Fresnes. Cela a été une révélation, je me sentais à ma place »

Grâce à ce reportage, Camille rencontre Nelly, coordinatrice culturelle à Fresnes et anime des ateliers radio avec les détenus. Elle interroge alors Nelly sur son métier et surtout lui demande comment postuler ! Quelque temps plus tard, fin 2021, Camille est recrutée pour remplacer la coordinatrice pendant son congé maternité : « J’ai adoré cette première expérience. Une fois le contrat terminé, j’ai repris mes ateliers radio. » Toutefois, la professionnelle ne perd pas de vue son objectif et se positionne à nouveau lorsqu’un poste se libère. Elle est alors recrutée en septembre 2022 pour la coordination culturelle à la maison d’arrêt de la Santé.

Veille culturelle, choix des thèmes et des intervenants, organisation de la programmation

La professionnelle programme et pilote les activités culturelles proposées aux personnes détenues et fait partie à ce titre du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Pour cela, elle réalise un travail de veille et identifie les intervenant.es adapté.es : « je suis attentive à la manière d’amener les personnes détenues vers les pratiques culturelles. Le choix des thèmes et des intervenants est déterminant. »

Si l’environnement très codé et contraignant du milieu carcéral s’impose à Camille comme à tou.tes les professionnel.les qui s’y trouvent, ce n’est pas du tout un handicap pour la coordinatrice : « tout me plaît dans mes missions, j’aime aussi gérer la contrainte et tous les facteurs qui en découlent. » La diversité des personnes avec qui elle collabore est aussi un critère de motivation : « je rencontre des personnes très différentes : les personnes détenues, les surveillants, les artistes, la direction pénitentiaire, le SPIP, les partenaires culturels, c’est extrêmement riche ! »

Apprendre à s’exprimer autrement grâce à la pratique artistique

Évidemment, le sens de sa mission est au cœur de sa vocation ! Par la coordination culturelle, Camille contribue à la réinsertion des personnes incarcérées, elle véhicule des valeurs citoyennes et agit sur leur socialisation : « grâce aux activités proposées, je crée des rencontres entre l’extérieur et la prison. Je pense que les rencontres avec les artistes et les pratiques artistiques donnent l’occasion aux personnes détenues de s’exprimer autrement. La culture et l’art leur donnent les outils pour être eux-mêmes, prendre confiance en eux et exprimer autrement leur parole voire leur colère. »

Certaines activités sont hebdomadaires et toute l’année, d’autres se déroulent sous la forme de stage, pendant une période limitée. La coordinatrice culturelle peut ainsi apprendre à connaître les personnes détenues et ensuite les inviter progressivement à tester de nouvelles activités.

Inciter les personnes détenues à découvrir de nouvelles pratiques artistiques et culturelles

Camille se rappelle de l’expérience d’une personne détenue, qu’elle avait inscrit à une semaine de stage danse et expression plastique. Une chorégraphe, une psychomotricienne et une historienne de l’art intervenaient pour leur apprendre à danser, pour travailler leur rapport au corps et acquérir des connaissances. « Au début, il m’a dit que ça ne marchera pas pour lui, il n’y arrivera pas. Je lui ai suggéré d’essayer une journée et si cela ne lui convient pas, il pourra arrêter » raconte la professionnelle et poursuit : « la semaine est passée, le jour de la restitution je l’ai vu sur scène, pieds nus, en train de danser et de peindre devant le public. Il avait le sourire jusqu’aux oreilles ! Mission réussie ! »

La relation de confiance avec les personnes détenues est primordiale, pour les amener à tester et découvrir des pratiques culturelles dont beaucoup se sentent exclues. Pour Camille, « nous faisons parmi les plus beaux métiers du monde. Ce n’est pas palpable directement, tout de suite, mais nous semons des graines ! » Telle est bien la vocation de l’éducation populaire, avec tous ses publics !